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La forêt pourpre

Comme celui de Jacques Tourneur, l’art d’Algernon Blackwood consiste à n’éclairer qu’une toute petite partie de la scène qu’il veut représenter. Dans « La Forêt pourpre », recueil de contes fantastiques du Nord canadien, ce cercle de lumière est souvent matérialisé par le nimbe du feu de camp des chasseurs. Dans la pénombre brillent les yeux des bêtes fauves. Au-delà s’étend la sauvagerie, inconnaissable : c’est elle qui intéresse Blackwood. Dans ses meilleurs moments, comme ici dans le justement célèbre « Wendigo », ou bien dans « L’Île hantée », autre variation magistrale sur le motif du cercle, il s’élève au niveau de Conrad ou de London pour décrire cette confrontation angoissée de l’homme occidental avec le mystère de la forêt. C’est remarquable.