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Johannesburg

Vingt-quatre heures de la vie d’une ville. Vingt-quatre heures singulières où des destins vont se croiser et se tisser alors que le pays tout entier vient d’apprendre le décès de Mandela. Sous nos  yeux,  une kyrielle de personnages s’ébattent dans Johannesburg endeuillée, comme autant de phalènes prises dans la lumière.

Virginia, Gin pour les intimes, est revenue à Joburg avec le projet d’organiser une grande fête qui rassemblerait tous les amis de sa mère à l’occasion de ses 80 ans. Une vraie gageure pour celle qui, à juste titre, se pense dépourvue de tout talent d’ordre domestique.  Est-ce pour tenter d’effacer quelque peu sa culpabilité de n’avoir pas été « plus pleinement fille » et d’avoir obligé sa mère « à défendre ses choix en son absence » ? Celle  qui s’est enfuie à New-York pour tenter de vivre de son art, à cause de cette « intelligence blanche et tuberculeuse, de l’arrogance de presque tous les gens à qui elle avait jamais eu à parler », pour échapper à « cette infinie vacuité » à laquelle elle était destinée à rattacher sa propre vie est de retour et flotte à la recherche de quelque chose de solide à quoi se raccrocher, comme « une étoile affranchie de la pesanteur, de toute orbite, n’ayant plus sa place dans aucune constellation. »

« Maman, je me noie ici. Tu ne t’en rends pas compte ? » Ce dont se rend compte Neve, c’est que sa fille est autoritaire, butée, et « bien trop intelligente pour que ça ne lui joue pas des tours ». Dans une ville en proie à la ferveur et au chagrin, dans l’attente de l’orage qui ne manquera pas comme chaque jour à seize heures de se déverser dans les rues, Gin affronte quelques fantômes du passé, un fiancé laissé derrière elle, et ses peurs les plus viscérales. La violence n’est-elle pas tapie au coin de chaque rue, prête à la happer si la moindre faille se faisait dans ces hauts murs qui cernent chacune des résidences des quartiers blancs ?

 En contrepoint de l’errance de Gin, devant le Diamond, bâtiment emblématique du pouvoir et de ses exactions, un homme au visage mutilé réclame justice en brandissant sa pancarte dans l’indifférence générale. Pris malgré lui dans la répression sanglante d’une manifestation de mineurs, September, SDF rescapé de ce massacre perpétué au nom de l’ordre, est la figure de l’exclu, traité comme un invisible mais porteur d’une voix aussi poétique que singulière soulignant les ambivalences de la ville comme du pouvoir post apartheid.

Alors que la fête approche, le chien adoré de Neve disparaît dans la ville et les différents protagonistes voient les fils de leurs destins se croiser tandis que Johannesburg montre ses différents visages : tentaculaire, effrayante, clivée, où se déplacer à pied relève du défi à la raison. A hauteur de regard de chien, c’est toute l’héritage de la politique ségrégationniste dans la construction même de la ville qui se dessine.

Après l’inoubliable Midwinter, Fiona Melrose parvient à se renouveler plus que brillamment et s’impose comme l’une des grandes voix de la littérature de langue anglaise. Son art de la construction dramatique, sa faculté à débusquer dans ses personnages les failles les